* Critique: «2017 Revue et Corrigée»: Un feu roulant de délicieux délire !


Écrit par : yanik

Verdun, jeudi, le 7 décembre 2017 - Après les Serge Postigo, Joël Legendre, Alain Zouvi…, c’est René Simard que Denise Filiatrault a choisi pour diriger la joyeuse bande de «Revue et Corrigée» pour 2017, une année particulièrement faste en actualités troublantes, scandaleuses et disgracieuses. Comme chaque année – et cette quatorzième édition n’aurait pas pu faire exception – les auteurs, comme ceux des «Bye-Bye!» ou des «Meilleur avant le 31, bon pareil le 1er» de ce monde, doivent marcher sur la corde raide et sont attendus avec une brique et un fanal. Vont-ils frapper sur les bonnes cibles ? Vont-ils le faire avec doigté et bon goût ? Éviteront-ils de tomber dans la vulgarité gratuite et un pathétique gnan, gnan qui nous ferait rouler des yeux ? Réussiront-ils à parler de tout et à faire des agencements ingénieux qui feront sourire et provoqueront de multiples «wow, fallait y penser !» ? Mais surtout… seront-ils DRÔLES?

À mon avis, la réponse à toutes ces questions est oui. Impressionnant tour de force que ce «2017 Revue et Corrigée» dont la script-édition a été confiée à Nicolas Lemay, un habitué des revues de fin d’année, des «shows» d’humour et de variétés (notamment «Un gars le soir», vous vous rappelez? Avec Jean-François Mercier?). Écrite 100% par des gars (pourquoi ? On est en droit de se questionner, bien qu’on ne sente pas l’absence de femmes comme telle à l’écriture), cette nouvelle mouture ne tombe jamais dans la vulgarité, évite généralement les blasphèmes (à l’exception des apparitions de Safia Nolin jouée par la sublime et magique Suzanne Champagne que l’on retrouve avec tant de bonheur – je n’oublierai JAMAIS le «Bye Bye 86» et c’est en grande partie grâce à elle !) et propose de brillants jumelages de concepts et d’événements pour nous faire revivre les quelque 320 premiers jours de l’année qui tire à sa fin.

La mise en scène de René Simard est à la fois sobre et hyper efficace. Les textes et les interprètes sont mis en valeur et les quelques sketches préenregistrés – amusants et bien pensés, notamment les récurrents gars de la «Beach» joués par Martin Héroux et Marc St-Martin, deux bozos de la pire espèce qui, comme bien des gens sur les réseaux sociaux, devraient taire leurs opinions sur tout et sur rien – permettent aux acteurs des changements de costumes, perruques, maquillages rapides sans que les spectateurs soient laissés dans un flou ennuyeux.

Parlant des interprètes, mon coup de cœur aura été Benoit Paquette que, je l’avoue, je découvrais pour la première fois si l’on fait abstraction des quelques extraits que j’ai glanés ici et là des «Revue et Corrigée» des années passées. En Guy Jodoin animant «Le Tricheur» devant Trump, Putin et Kim Jong Un comme participants (!), en Louis-José Houde animant le Gala de l’Adisq (je manque de superlatifs !), en Justin Trudeau qui surfe sur sa popularité et son charisme, en Dave Morissette animant un téléthon pour les sportifs qui en arrachent, et j’en passe, Paquette est un virtuose !

Mais personne – je dis bien personne – n’est à côté de la plaque dans ce spectacle. Et bien que la distribution soit amputée d’un membre (on avait droit à 3 gars, 3 filles, habituellement – seulement deux comédiennes cette année), le spectacle ne semble pas en souffrir. Le retour de Suzanne Champagne, avec son interprétation hilarante de Me Anne-France Goldwater accueillant le pharmacien Jean Coutu et un pouilleux douteux à «L'Arbitre» pour trancher la question ‘Qui aura le monopole de la vente du cannabis en sol québécois?’, sa Safia Nolin dont j’ai déjà parlé (s’excusant constamment d’avoir sacré : ‘**** j’ai dit **** !’) et combien d’autres, est le bienvenu. Que voulez-vous? comme l’aurait demandé un ancien Premier Ministre. Je l’aime d’amour. Et comme le «Rest of Canada» la veille du référendum de 1995, je veux qu’elle reste !

Pour leur part, Martin Héroux (vous rappelez-vous quand il jouait le sympathique animalier dans «4 et demi...»?) et Marc Saint-Martin (l’adorable Kaô de l’émission jeunesse «Toc Toc Toc»), les vieux de la vieille de ces revues de fin d’année, sont tout simplement incroyables. Leur complicité contagieuse trahit leur plaisir à jouer ensemble (rien de mal à ça!) et leur talent d’imitateurs (à défaut de trouver un meilleur mot) est époustouflant. Martin Héroux en Michel Bergeron, René Angélil (bien découragé de sa Céline, de Là-Haut, sur son nuage), Donald Trump, Denis Coderre… ? Du bonbon ! Marc Saint-Martin en Julie Snyder, Éric Salvail, Régis Labeaume, Ron Fournier… remarquable !

Et que dire de Julie Ringuette, cette comédienne que j’avais découverte dans le rôle de Jessica, la sœur de Michel Marcotte (Benoît Brière) dans «30 Vies»? Incroyable! En Céline Dion, Valérie Plante, Michèle Richard, Lucie Laurier, Mélanie Joly, Sophie Grégoire… elle frappe dans le mile à tout coup !

Mon seul bémol ? Les paroles qui se perdent dans les parodies de chansons, malgré tous les efforts des comédiens/chanteurs (aux voix impressionnantes, soulignons-le au passage) qui articulent et prononcent bien. C’est une question de son, d’acoustique, à laquelle il faudrait sans doute remédier avec des surtitres.

Qu’à cela ne tienne, si l’on veut rire sans être trop choqué ou bousculé, si on veut se rappeler les bons et les moins bons moments (surtout les moins bons, évidemment!) d’une année qu’on voudrait peut-être même carrément oublier, «2017 Revue et Corrigée» est un excellent antidote à la morosité saisonnière, un bon remède contre les heures d’ensoleillement qui rétrécissent, 90 minutes de joie et de soulagement avec cinq interprètes d’une générosité saisissante.

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2017 revue et corrigée
Textes: Patrick Bergeron, François Lafrenière, Nicolas Lemay et Hugo Pellicelli
Mise en scène : René Simard
Avec Suzanne Champagne, Martin Héroux, Benoit Paquette, Julie Ringuette et Marc Saint-Martin.
Une production du Théâtre du Rideau Vert
Jusqu’au 6 janvier 2018 (1h30 sans entracte)
Théâtre du Rideau Vert, 4664, rue Saint-Denis, Montréal
Réservations : 514-844-1793