* Critique: Théâtre: «Le Brasier» de David Paquet: 100 fois meilleur que les biscuits de Claudine!


Écrit par : yanik

Brossard, mercredi, le 31 janvier 2018 - Je n’avais pas vu «Le Brasier» de David Paquet lorsque la pièce avait été créée la saison dernière et je ne connaissais pas l’œuvre de cet auteur. Comme plusieurs, j’en avais entendu parler, bien sûr, mais je n’avais jamais vu de ses pièces. Quand on nous dit à quel point une pièce a connu du succès, à quel point elle a été adorée par le public et encensée par la critique, on se crée des attentes et celles-ci peuvent être difficiles à rencontrer.

Par Yanik Comeau (ComunikMédia/ZoneCulture)

Mercredi dernier, je me suis assis dans la salle Jean-Claude-Germain avec mon adolescente de 14 ans – devant un immense rideau de frange or qui ressemble au matériau que l’on achète au Dollarama pour faire des glaçons cheap à mettre dans notre sapin de Noël et j’ai attendu que la magie opère.

Dès les premières secondes, avant même que Paul Ahmarani n’ouvre la bouche, juste avec son langage corporel dans le rôle de Claudette, je savais que je vivrais une expérience que je n’étais pas prêt d’oublier. Dès les premières répliques de Claudette, puis celles de Claudie (Dominique Quesnel) et celles de Claudine (Kathleen Fortin), j’ai compris que David Paquet était un auteur que j’allais aimer. Le premier tableau – la pièce en comporte trois – installe clairement et rapidement la voix unique, le ton particulier, l’humour noir, l’humanité et l’incroyable sens d’observation de la race humaine du gagnant du Prix du Gouverneur Général pour le théâtre et du Prix Michel-Tremblay (pour sa pièce «Porc-épic» en 2010).

Je devine que cette reprise du «Brasier» est sans doute encore plus jouissive que la création parce qu’on imagine que les acteurs soient plus à l’aise que jamais dans chacun des deux rôles qu’ils ont à interpréter. Dirigés de main de maître par Philippe Cyr, ils prennent clairement leur pied pour notre plus grand bonheur.

Paul Ahmarani, acteur pour le moins singulier, connaît une belle saison. Avant cette reprise de la pièce de Paquet, il a épaté dans «Les Enivrés» au Prospero… encore aux côtés de Dominique Quesnel qui est absolument géniale dans «Le Brasier» incarnant, comme ses deux partenaires de jeu, deux personnages aux antipodes l’un de l’autre avec une maîtrise à couper le souffle. Je n’ai pas pu m’empêcher de repenser à la première fois que j’ai vu cette incroyable comédienne sur scène. C’était il y a presque 30 ans ! Elle sortait de l’école et jouait – toujours au Théâtre d’aujourd’hui, mais dans la petite salle de la rue Papineau, avant qu’il soit relocalisé rue Saint-Denis, c’est tout dire! – aux côtés de Roy Dupuis, Anne Caron et Louise St-Pierre dans la création de la pièce de Michel Marc Bouchard, «Les Muses orphelines». 25 ans plus tard, elle était Thérèse Dubuc dans «Belles-Sœurs – Musical»… pièce dans laquelle elle partageait la scène avec la sublime Kathleen Fortin (déchirante et touchante en Des-Neiges Verrette, la «vieille-fille» amoureuse du vendeur de brosses). Dans «Le Brasier», Kathleen incarne la pauvre Claudine qui fait des biscuits «qui goûtent le cul» et la troublante Caroline qui nous confie (et à son psy ?) ses dangereuses (oui, c’est un bon mot – il y en aurait d’autres aussi) pulsions sexuelles, ses désirs dormants, éveillés par… un visage, des images…

Un trio d’acteurs au sommet de leur forme, complètement abandonnés à un texte qui le mérite et à la proposition d’un metteur en scène qui ne recule devant rien. Avec des choix de scénographie et de costumes d’Odile Gamache – qui, ma foi, multiplie les contrats, on ne peut que s’en réjouir – et une conception d’éclairage ingénieuse de Cédric Delorme-Bouchard, appuyée par un environnement sonore fascinant de Mykalle Bielinski, cette production est en tout point un délice.
Pas étonnant que, même en reprise, on doive ajouter encore des supplémentaires. La pièce sera présentée jusqu’au 10 février. Et c’est un de ces événements qui vous fait penser, en sortant de la salle, «wow ! je suis vraiment chanceux d’avoir vécu ça !»

Cette saison, tant au Centre du Théâtre d’aujourd’hui que dans plusieurs salles à Montréal, on en vit un nombre impressionnant de ces moments de grâce.

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«Le Brasier» (en reprise)
Texte : David Paquet
Mise en scène : Philippe Cyr
Avec Paul Ahmarani, Kathleen Fortin et Dominique Quesnel
Une création de L’Homme allumette
dans le cadre d’une résidence pendant la saison 2016-2017 à la salle Jean-Claude-Germain du Centre du Théâtre d’aujourd’hui
Jusqu’au 3 février 2018 + 7 supplémentaires jusqu’au 10 février (1h15 sans entracte)
Théâtre d’aujourd’hui – salle Jean-Claude-Germain, 3900, rue Saint-Denis, Montréal
Renseignements : 514-282-3900 – www.theatredaujourdhui.qc.ca