* Critique: Cinéma: «La Bolduc», un film de François Bouvier: Debbie Lynch-White crève l’écran!


Écrit par : yanik

Verdun, mardi, le 10 avril 2018 - Comme tous les peuples, les Québécois ont produit leur lot de films ou de séries-télé biographiques au fil des années, certains plus heureux que d’autres. Dans quelques cas, le mariage sujet-acteur était tout naturel (on n’a qu’à penser à Benoît Brière en Olivier Guimond, Antoine Bertrand en Louis Cyr ou Jean Lapointe en Maurice Duplessis), dans d’autres moins (Roy Dupuis en Maurice Richard, Pascale Bussières ou Joëlle Morin en Alys Robi). Dans le cas de «La Bolduc», le nouveau long-métrage de François Bouvier («Histoires d’hiver», «Paul à Québec», «30 Vies»), on a l’impression que le scénariste Frédéric Ouellet et son réalisateur attendaient Debbie Lynch-White depuis toujours. Ceux qui croyaient que la jeune comédienne serait à jamais campée dans le rôle de l’IPL Nancy Prévost de «Unité 9» devront ravaler leurs mots. Debbie Lynch-White n’est pas un "one trick pony".

par Yanik Comeau (ComunikMédia/ZoneCulture)

La Bolduc, Mary née Travers qui préférait être connue sous le nom de Madame Édouard Bolduc (c’est Debbie Lynch-White elle-même qui a fait ajouter ça au scénario après avoir échangé avec la famille de la principale intéressée), est clairement un film hommage à celle que l’on considère la première «chansonnière» du Québec. Racontée du point de vue de sa fille Denise (incarnée à tour de rôle par la jeune Laurence Deschênes, connue pour son rôle dans le téléroman «O’», et Rose-Marie Perreault quand Denise devient adulte, toutes deux excellentes), elle-même mordue par la passion du showbusiness (elle a été comédienne et chanteuse à ses heures), un choix assumé et parfaitement intégré, l’histoire nous présente la célèbre auteure-compositrice-interprète de son jeune âge adulte où elle partageait un logement avec son amie Juliette Newton (Bianca Gervais) en passant par son mariage à son Édouard (excellent Émile Proulx-Cloutier) et son ascension fulgurante dans le milieu de la chanson jusqu’à son décès prématuré à l’âge de 46 ans.

Le film démontre avec finesse les difficultés pour une femme de se tailler une place dans le monde des affaires à l’époque. Monsieur Bolduc doit signer pour sa femme lorsqu’elle décroche son contrat de disque. L’argent doit toujours passer par ses mains à lui au début… du moins, jusqu’à ce que le producteur Roméo Beaudry (à qui l’on hésite à faire confiance au début ! – Encore un bon casting avec Serge Postigo dans le rôle) fasse signer à Édouard un document qui permettra à Mary une certaine émancipation qui sera bénéfique pour toute la famille. Très traditionnelle dans sa façon de penser et dans ses valeurs, Mary Travers Bolduc aura néanmoins pavé la route pour bien des femmes pendant que, parallèlement, Thérèse Casgrain et ses suffragettes feront leur boulot pour les droits des femmes dans le Québec pré-Révolution Tranquille.

Sans tomber dans l’imitation ou la caricature, Debbie Lynch-White campe une Mary Travers 100% crédible, tant dans le jeu que dans le chant. On a droit à d’excellentes interprétations de toutes ces chansons – on a tendance à l’oublier – que La Bolduc a elle-même écrites, des chansons inspirées directement de son vécu: «La Grocerie du coin», «Y’a longtemps que je couche par terre», «La Cuisinière», «J’ai un bouton sur la langue» et «Ça va venir découragez-vous pas», entre autres.

Beaucoup moins dur et déprimant que «Ma vie en cinémascope» qui racontait la vie et la carrière d’Alys Robi (difficile de ne pas faire des comparaisons entre ces deux vedettes des débuts du "music hall" québécois) parce que, malgré les nombreuses difficultés qu’elle a rencontrées, la vie de Mary Travers a néanmoins été moins horrible que celle d’Alice Robitaille, La Bolduc est un beau film, bien fait, respectueux de son époque et digne des grandes productions historiques auxquelles nous avons eu droit au fil des années (je pense ici tout particulièrement à «Musée Eden», «Nos Étés» et «Les Pays d’en haut» au niveau de la direction artistique).

Pour Debbie Lynch-White et toute la distribution, bien dirigée par un François Bouvier en pleine maîtrise de son œuvre, pour la finesse du scénario de Frédéric Ouellet et pour la direction artistique de Raymond Dupuis, La Bolduc vaut le déplacement. Souhaitons maintenant que le public aille à sa rencontre et en sorte avec le goût de turluter.

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«La Bolduc»
Réalisation: François Bouvier
Scénario: Frédéric Ouellet, d’après une idée originale de Benjamin Alix (collaboration au scénario)
Distribution: Debbie Lynch-White, Émile Proulx-Cloutier, Bianca Gervais, Mylène Mackay, Luc Senay, Serge Postigo, Yan England, Germain Houde, Rose-Marie Perreault, Laurence Deschênes, Paul Doucet
Direction artistique: Raymond Dupuis
Direction photo: Ronald Plante
Musique: Marc Beaulieu, Tandem.mu
Une production de Caramel Films
Producteurs: André Rouleau, Valérie d’Auteuil, Brigitte Janson
Film de clôture des Rendez-vous Québec Cinéma
Durée: 1h43
Sortie en salles: 6 avril 2018