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* Critique: Théâtre/danse: «Elle respire encore» de Jérémie Niel: Trouvailles étouffées
[ Opinions et comptes rendus | Écrit par : yanik @ 08:33pm le 31st of December ]
Candiac, vendredi, le 16 mars 2018 - J’anticipais avec tant de bonheur le nouveau spectacle du metteur en scène et chorégraphe Jérémie Niel que peut-être mes attentes étaient trop hautes. Parfois, un spectacle, une prémisse, un argument est si alléchant sur papier que le résultat final manque la cible. Dans le cas de Elle respire encore, il y a tant de positif à dire que l’on souhaiterait qu’il étouffe, qu’il noie le négatif. Mais l’accouchement ne sera pas suffisant pour tout effacer la douleur.

par Yanik Comeau (ComunikMĂ©dia/ZoneCulture)

D’abord, l’éclairage – presque toujours sombre – monte sur un immense espace scénique parsemé de plus petits lieux clairement identifiés par quelques éléments de décor, quelques accessoires : un lit, un bureau, une chaise, un fauteuil… Notre curiosité est piquée. Le troublant fond musical créé par Alexandre St-Onge nous aspire dans un univers qui ne sera pas lumineux, en terrain glauque. On comprend et on accepte la proposition. Tout se tient jusque-là.

Les personnages commencent à prendre vie et, rapidement, on se réjouit de voir à quel point ils sont intrigants, bigarrés, variés, de tous les âges, de toutes les races, de sexes, d’orientations et de gabarits différents. On a envie de savoir ce qui va leur arriver, qui ils sont, d’où ils viennent, ce qu’ils nous feront vivre parce que, clairement, l’«auteur» a quelque chose à nous dire sur la race humaine, sur sa noirceur, sur son besoin de l’autre, sur son besoin d’interaction.

Malheureusement, malgré tous les bons éléments du spectacle (et ils sont nombreux), on se demande comment toutes les petites choses qui auraient pu être arrangées, ajustées, améliorées ne l’ont pas été. Comment le brillant metteur en scène, ses deux excellents conseillers artistiques réputés, appréciés et d’expérience (Catherine Gaudet et Frédérick Gravel) ainsi que son assistant à la mise en scène n’ont pas pu voir toutes les failles qu’il fallait colmater.

D’abord, en présentant un spectacle complet de 75 minutes derrière un sombre rideau de tulle, on coupe le spectateur de l’action, l’«image» devient floue du début à la fin créant un effet qui nuit à la perspective et qui finit par agacer, on estompe l’effet du direct donnant plutôt l’effet d’un spectacle projeté sur un écran. J’ai passé le spectacle à attendre que la toile tombe, se déroule, disparaisse et que je puisse enfin plonger pour vrai dans cet univers plein de potentiel.

Ensuite, on utilise des micros bien camouflés, amplifiant ingénieusement les voix des interprètes. Malheureusement, on arrive quand même à noyer leurs voix dans l’environnement sonore et, au final, on entend à peu près rien du dialogue, des répliques des personnages. Bien que la conception sonore soit riche et intrigante, il aurait fallu doser pour faire place au texte quand il y en a, lui qui est utilisé avec parcimonie. Vraiment dommage.

On explore tant de beaux thèmes dans ce spectacle (la solitude, la violence faite aux aînés, le désir, le besoin de l’autre,…) mais souvent, il se passe trois ou quatre choses en même temps sur la scène et on ne sait plus où regarder. Encore, dommage. On voudrait pouvoir tout voir, tout apprécier, tout goûter. Comment cette équipe de créateurs n’a-t-elle pas vu qu’il serait préférable de ne pas proposer plusieurs temps forts en même temps, aux différentes extrémités de la scène ?

Bref, «Elle respire encore», avec ses treize interprètes magnifiques, dévoués, généreux, forts, solidaires, appuyés par une excellente équipe de création, gagnerait à retourner à la table à dessin où on pourrait peaufiner certains détails qui aurait pu permettre à ce spectacle de s’avérer la révélation qu’il méritait de devenir. Peut-être qu’avec ces petits ajustements, des spectatrices égoïstes et inconscientes comme la fille assise devant moi dans l’avant-dernière rangée n’allumeraient pas leur cellulaire cinq fois pour voir l’heure (pendant un spectacle qui ne dure que 75 minutes? Vraiment???). Et peut-être que deux autres spectateurs ne seraient pas sortis à la moitié du spectacle.

Parce que ni Jérémie Niel ni ses interprètes ni «Elle respire encore» ne méritaient un tel sort.

*****
«Elle respire encore» de Jérémie Niel
Mise en scène et chorégraphie: Jérémie Niel
Assistance à la mise en scène: Jonathan Riverin
Conseillers artistiques: Catherine Gaudet et Frédérick Gravel
Création et interprétation: Florence Blain Mbaye, Samuel Bleau, Philippe Boutin, Karina Champoux, Bill Coleman, Angie Cheng, Simone Chevalot, Peter James, Pascale Labonté, Elizabeth Langley, Brianna Lombardo, Louki Mandalian, Peter Trosztmer.
Lumières et régie: Régis Guyonnet
Conception sonore: Alexandre St-Onge
Une production de Pétrus en coproduction et codiffusion avec Agora de la danse et Danse-Cité
Jusqu’au 17 mars 2018 (75 minutes sans entracte)
Agora de la danse, 1435, rue de Bleury, Montréal
Billeterie: 514-525-1500
Information: http://agoradanse.com/evenement/elle-respire-encore/

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