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* Critique: Théâtre: «Les Chaises» d’Eugène Ionesco: Prenez, prenez la peine, la peine de vous asseoir
[ Opinions et comptes rendus | Écrit par : yanik @ 08:56pm le 31st of December ]
Brossard, jeudi, le 31 mai 2018 - En montant «Les Chaises» après le succès qu’il a connu avec «Le Roi se meurt» pour le même Théâtre du Nouveau Monde il y a cinq ans, le metteur en scène Frédéric Dubois, directeur de la section française de l’École Nationale de Théâtre du Canada et directeur artistique du Théâtre des Fonds de Tiroirs, confirme qu’il est un grand Ionescologue. Non seulement maîtrise-t-il toutes les nuances de l’œuvre du maître de l’absurde, il sait aussi monter ses œuvres moins absurdes, plus poétiques, plus profondément touchantes et humaines – me permettrais-je d’ajouter –, navigant comme un capitaine aguerri dans les eaux tragi-comiques d’un univers pas accessible à tous.

Par Yanik Comeau (ZoneCulture/ComunikMĂ©dia)

Et c’est sans doute là la plus grande force de Dubois : rendre accessible à tous une pièce qui, mal rendue, pourrait être souffrante à regarder. Comme les œuvres de plusieurs grands maîtres – je pense aussi ici à Beckett, à Brecht, à Camus ou à Claudel –, plusieurs des pièces d’Ionesco peuvent échapper au spectateur non initié. Le soir de la première, j’étais accompagné d’un ami à l’esprit ouvert, certes, à la curiosité allumée, mais dont le quotidien est bien loin de l’univers du dramaturge roumain décédé à Paris en 1994. Néanmoins, il est sorti du TNM les yeux pleins d’étoiles, comme un enfant qui découvre un nouveau jeu, un artisan qui découvre un nouvel outil, un artiste qui découvre un nouveau médium.

Non seulement le texte d’Ionesco est-il un véritable délice, Frédéric Dubois lui offre une mise en scène d’une ingéniosité qui surprend de page en page, un crescendo de magie qui culmine en une formidable «antichute» typique de l’humour d’Ionesco, un humour noir sans contredit, troublant et franchement ironique qui ne laisse personne sur sa faim.

Pour rendre ce texte magique, poétique, brillamment fin, Dubois fait appel à un duo d’acteurs qui ne pourrait pas être plus dans son élément et qu’il dirige de façon sublime. Gilles Renaud, qui a été de quelques-unes des créations mémorables de Tremblay et qui multiplie les rôles à la scène tout autant qu’au petit et au grand écran depuis plus de 50 ans (sans parler du fait que, hasard, il a dirigé la section française de l’École Nationale de Théâtre du Canada lui aussi pendant plusieurs années), est au sommet de son art. Parfois, ce grand acteur pouvait avoir tendance à prendre des raccourcis, à faire du Gilles Renaud, à jouer un peu toujours pareil, mais ici, le grand acteur est au rendez-vous, impeccable, éblouissant, débordant d’énergie, de générosité, d’abandon, livrant une de ses plus belles performances des récentes années.

Aux côtés de Gilles Renaud, Monique Miller – dont on parle beaucoup de l’âge parce que, quand même, à 84 ans, se lancer dans un tel projet, un duel d’acteurs de cette ampleur, ce n’est pas rien, – est tout aussi éblouissante. Je me souviens de l’avoir vue jouer la conjointe de Michel Dumont dans «Le Diable Rouge» chez Duceppe il y a cinq ans et la Reine Marguerite dans le «Richard III» de Brigitte Haentjens il y a trois ans et de m’être dit : «Wow! C’est beau de la voir aller!» avec cette admiration presque condescendante que l’on a tendance à avoir pour «les vieux», mais au TNM le soir de la première, je m’en suis voulu d’avoir eu la moindre pensée à saveur d’âgisme. Avec une voix puissante, une agilité qui ferait rougir bien du monde de mon âge, et une énergie contagieuse, ce petit brin de femme, grande comédienne devant l’éternel, occupe l’immense scène de l’ancienne Comédie Canadienne, illumine, épate, ensorcelle.

Cette rencontre mémorable entre Gilles Renaud et Monique Miller est accueillie avec des applaudissements généreux et bien mérités. On assiste ici à un moment de théâtre inoubliable, un événement incontournable, un spectacle mémorable dont on parlera encore dans 20 ans.

Le décor d’Anick La Bissonnière est sublime, les costumes de Linda Brunelle sont magiques, tout comme les éclairages de Caroline Ross.

Levez-vous et rendez-vous au TNM. Un fauteuil vous attend devant un spectacle que vous vous féliciterez de ne pas avoir manqué.

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«Les Chaises»
Texte d’Eugène Ionesco
Mise en scène: Frédéric Dubois
Avec Monique Miller, Gilles Renaud, Jean-François Guilbault, Jasmine Daigneault, Rosalie Payotte, Alex-Aimée Martel.
Une coproduction du Théâtre du Nouveau Monde et du Théâtre des Fonds de Tiroirs.
8 mai au 2 juin 2018 (Durée : 1h20 sans entracte)
Théâtre du Nouveau Monde, 84, rue Sainte-Catherine Ouest, Montréal
Billetterie: 514-866-8668, poste 1 - https://ticket.tnm.qc.ca

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