* Critique: «Would» de Mélanie Demers: Beau-tiful


Écrit par : yanik

Verdun, mardi, le 12 décembre 2017 - Créé en 2015, le spectacle «Would» de l’artiste multiplateforme Mélanie Demers est repris ces jours-ci pour quelques représentations seulement à La Chapelle Scènes Contemporaines, rue Saint-Dominique, à Montréal. Bien que plusieurs des spectacles offerts dans ce lieu de création soient souvent à l’état embryonnaire, des «work-in-progress», «Would» est une pièce polie, une œuvre peaufinée, un véritable trésor d’une beauté à couper le souffle.

Réunissant sur scène deux interprètes virtuoses, l’époustouflant Marc Boivin et la saisissante Kate Holden, «Would» nous transporte pendant plus de cinquante minutes dans un univers à la fois sensuel et percutant, éthéré et groundé, drôle et touchant. Le texte de Mélanie Demers est criant de vérité, poétique et urgent, bousculant et réfléchissant, et Marc Boivin nous le fait vivre avec une intensité remarquable. Les choix d’exploration vocale sont fascinants et fort heureusement pas là juste pour épater. Ils sont justifiés et intéressants. Le public est invité à plonger dans une proposition concrète, limpide, forte… pas dans un magma obscure et impénétrable comme c’est parfois le cas lorsque l’on essaie de plaquer du texte sur un spectacle danse. Ici, il n’en est rien. Tout est magnifiquement intégré et harmonieux.

Marc Boivin a remporté le prix Dora Mavor Moore pour sa performance dans «Would» et il ne faut pas s’en étonner. Il livre ici une pièce d’anthologie, un «master class». Ce n’est pas seulement à une chorégraphie bien exécutée à laquelle on a droit; c’est à une interprétation hydride danse-théâtre qui rappelle les meilleurs spectacles de Carbone 14, La La La Human Steps, et O Vertigo avec laquelle Boivin a longtemps dansé. J’ai vraiment été soufflé par son jeu tout autant que la danse. Magnifique.

Dans un tout autre registre, Kate Holden est aussi formidable. Elle ne laisse pas sa place dans les duels dansés avec son partenaire, mais apporte aussi une fraîcheur dans son interprétation des partitions en anglais, livrant avec une belle intensité ce texte sublime de Mélanie Demers qui, dans le programme, nous dévoile que les interprètes ont participé à la création sous tous ses aspects. Clairement, ni Kate Holden ni Marc Boivin n’ont été que des ‘marionnettes’ dans ce processus. Tout le spectacle semble sortir des pores de leur peau de façon si fluide et naturelle qu’on ne peut faire autrement que se laisser porter.

Je suis sorti changé, touché, ému par cette pièce sublime. Elle me suivra et restera avec moi longtemps. N’est-ce pas ça aussi, l’art, parfois ? J’ose le croire, l’espérer.

J’espère aussi que la salle de La Chapelle sera pleine à craquer pour les deux dernières représentations et que ce spectacle connaîtra une longue vie. En attendant que je puisse découvrir la prochaine création de Mélanie Demers, la prochaine proposition de Marc Boivin (qui est aussi chorégraphe), la prochaine production qui aura la chance de compter Kate Holden parmi ses interprètes.

***
Would
Mise en scène, texte et chorégraphie: Mélanie Demers
Avec Marc Boivin et Kate Holden
Musique: Joshua Van Tassel
Lumières: Alexandre Pilon-Guay
Direction des répétitions: Anne-Marie Jourdenais
Direction technique et régie: Olivier Chopinet
Travail de voix: Sabrina Reeves
Une production de MAYDAY et firstthingsfirst
Du 11 au 15 décembre 2017 (55 minutes sans entracte)
La Chapelle, Scènes Contemporaines, 3700, rue Saint-Dominique, Montréal
Réservations : 514-843-7738